Infrastructures sportives : que reste-t-il de l’héritage des CAN au Gabon ?

Six ans après le dernier match des Panthères à Libreville, les infrastructures sportives du Gabon, autrefois symboles de grandeur et d’ambition, sombrent dans l’abandon. Alors que les éliminatoires de la Coupe du monde 2026 approchent, le pays ne dispose que d’un seul stade homologué sur 4. Une situation préoccupante, d’autant plus que plusieurs clubs de National 1 sont appelés à représenter le Gabon dans les compétitions africaines et auront, eux aussi, besoin de stades aux normes CAF pour accueillir leurs adversaires.
À l’occasion des Coupes d’Afrique des Nations 2012 et 2017, le Gabon avait investi massivement dans des infrastructures sportives modernes. L’objectif était clair : propulser le pays au rang de nation sportive respectée, doter les jeunes de terrains adaptés et accueillir de grands événements internationaux. Mais plusieurs années plus tard, le constat est amer. La quasi-totalité de ces infrastructures est aujourd’hui inutilisable, mal entretenue ou tout simplement abandonnée. Cette réalité devient d’autant plus préoccupante à l’approche des éliminatoires de la Coupe du monde 2026, alors que les Panthères peinent à trouver un stade homologué pour disputer leurs matchs à domicile.
Le cas du Stade de l’Amitié

Symbole de cette situation : le Stade de l’Amitié d’Angondjé, situé dans le Grand Libreville. Construit pour accueillir des affiches de haut niveau, il est aujourd’hui inutilisé pour les compétitions internationales. Le dernier match des Panthères dans cette enceinte remonte au 17 novembre 2018. Depuis, plus rien.
Le cas du Stade d’Ekong d’Oyem

À Oyem, la situation est tout aussi révélatrice du déclin. Le stade d’Engong, qui avait suscité tant d’espoir lors de son inauguration pour la CAN 2017. Il a été Réhabilité partiellement en juillet 2024. Un geste qui, sur le moment, laissait entrevoir un possible retour à l’activité. Mais très vite, les intentions réelles sont apparues : cette remise en état partielle n’était motivée que par la tenue d’un meeting politique en avril dernier. Une fois l’événement passé, le stade a de nouveau été laissé à lui-même. Aucun programme de réhabilitation, aucune reprise d’activités sportives, aucune planification durable. Cette instrumentalisation d’une infrastructure publique, conçue pour servir la jeunesse et le développement du sport, illustre une dérive où l’intérêt collectif est sacrifié sur l’autel des agendas politiques.
Le cas du Stade Michel-Essonghe de Port-Gentil

À Port-Gentil, le constat est encore plus alarmant. Le stade, pourtant flambant neuf lors de la CAN 2017, est aujourd’hui littéralement abandonné. En lieu et place de pelouse et de tribunes animées, ce sont des hautes herbes qui ont envahi les lieux. Il n’y a plus ni entretien, ni surveillance, ni perspective d’utilisation. Le site, déserté, se dégrade jour après jour. Et pendant ce temps, la ville pourtant dynamique sur le plan sportif ne bénéficie d’aucune infrastructure digne pour accueillir des compétitions, entraînements ou événements.
La Fegafoot se défend
Face à la polémique, la Fédération gabonaise de football (Fegafoot) a récemment livré sa version des faits. Elle explique que la gestion des stades ne relève pas de ses compétences, mais bien de celles de l’État :
« La Fédération gabonaise de football ne possède aucun stade au Gabon, du moins pas pour le moment. Chaque match du Gabon est soumis à l’État, par le biais du ministère, qui est l’unique propriétaire des stades du pays. Ce dernier désigne donc le stade dans lequel le match se jouera. Aujourd’hui, le seul stade homologué par la CAF (c’est-à-dire qui répond aux normes internationales) est celui de Franceville. Tant que le Stade de l’Amitié n’aura pas été réhabilité complètement pour répondre aux normes CAF, nous ne pourrons pas y organiser de match. »
En résumé, l’État détient l’ensemble des stades gabonais. C’est donc à lui et non à la Fegafoot qu’incombe la responsabilité de l’entretien, de l’homologation et de la valorisation de ces infrastructures.
Des équipements détournés de leur vocation

Le désintérêt pour le sport ne touche pas seulement les stades de football. Il s’étend à d’autres infrastructures, comme le palais des sports, conçu pour le basketball, mais aujourd’hui utilisé principalement pour des concerts, des événements politiques ou des cérémonies culturelles. Pendant ce temps, les jeunes basketteurs gabonais n’ont plus accès à des installations adaptées, et s’entraînent tant bien que mal sur des terrains de fortune. Ce détournement d’usage prive une génération entière d’un encadrement digne et de conditions de pratique sécurisées.
Une jeunesse sacrifiée
Le Gabon regorge de jeunes talents, dans toutes les disciplines. Mais sans infrastructures, sans accompagnement, sans stratégie claire, ces potentiels sont inexploités. Pire, ils se découragent, faute de perspectives concrètes.
Construire des stades pour des compétitions prestigieuses, puis les fermer au lendemain de l’événement, c’est nier le rôle profond que le sport joue dans la société : l’éducation, l’inclusion, la santé, le rayonnement.
L’urgence d’agir
La Fegafoot a donné l’alerte : elle ne peut rien faire sans l’implication directe de l’État. La balle est donc dans le camp des autorités. Il est urgent de réhabiliter les infrastructures, de rendre les stades accessibles, de redonner une vie sportive à ces lieux pensés pour inspirer. Et de penser non seulement à l’équipe nationale, mais aussi aux clubs locaux qui doivent affronter le continent dans des conditions respectables.